Interview pour le nouvel Observateur.com

Posted by chris | Posted in , , | Posted on samedi, novembre 22, 2008

Il y a dix ans tout rond, il renonçait définitivement à préparer le capes de lettres et à jouer un jour dans le groupe Madness pour se lancer, en solo et au piano, dans la chanson. Un premier album a suivi en 2002. Le quatrième sort aujourd'hui (chez tôt Ou tard). Sans doute le plus libre et le plus solide à la fois, où l'on retrouve un Vincent Delerm poivre et sel, doux-amer, faussement désinvolte et toujours très bien entouré (Albin de la Simone, JP Nataf et Peter von Poehl, entre autres), avec des mélodies imparables qui achèvent de vous convaincre que «tous les acteurs s'appellent Terence» ou qu'«un tacle de Patrick Vxera n'est pas une truite en chocolat».

Le Nouvel Observateur. - Cet album comporte quinze chansons et s'intitule «Quinze Chansons». Drôle de titre...
Vincent Delerm. - C'est vrai [sourire contrit], mais j'assume. C'est une façon de revendiquer ce terme : chanson, souvent mal vu en France, quand les Anglo-Saxons n'hésitent pas à se dire songwriters. Le premier disque de Leonard Cohen s'appelle «Songs of Leonard Cohen»

N. O.
- Plusieurs sont fort brèves...
V. Delerm. - C'est vrai aussi. J'ai pensé «ne nous foulons pas». Quand on a dit ce qu'on a à dire, pourquoi se forcer à respecter un format ? J'ai écrit sans me poser la question de l'album, comme il y a dix ans. Le résultat est un collage de chansons qui sont déjà des puzzles.

N. O.
- Que vient faire Alain Souchon sur «Un temps pour tout» ?
V.Delerm. - Il était dans le studio d'à côté, il est passé, voilà. Et ça fait vraiment plaisir. Surtout qu'on ne l'entend qu'à la fin, comme si la chanson elle- même était une machine à me transformer en Souchon... C'est le modèle de l'attitude «mine de rien». Et c'est mon idole, quand même !

N. O.
- Après un premier disque très français, un deuxième plutôt anglais («Kensington Square») et un troisième franchement solaire («les Piqûres d'araignée»), celui-ci est très marqué par les Etats-Unis...
V. Delerm. - Pendant l'enregistrement, j'avais l'impression que c'était assez décousu. Mais la cohérence se dégage après-coup. Ce disque reflète en effet une période où je me suis imprégné de culture et de contre-culture américaines, des livres de Richard Brautigan par exemple. Je ne suis jamais allé à New York, mais peu importe : c'est le fantasme qui compte.

N. O.
- Le cinéma est aussi très présent. Cali vient de faire l'acteur, Bénabar jouera bientôt avec Franck Dubosc... Qu'attendez-vous ?
V. Delerm. -Je n'ose pas dire jamais. J'écrirai peut-être un jour un scénario. Mais être acteur ? Je crois que je mets assez de cinéma dans mes chansons... Christophe Honoré m'avait contacté pour «les Chansons d'amour», et quand j'ai vu Louis Garrel dans le rôle j'ai été content d'avoir refusé : lui, c'est vraiment son métier. Les gens sont parfois agressifs avec les acteurs qui chantent, les chanteurs qui jouent... Ils n'ont pas tout à fait tort. D'accord, tout ça n est qu un terrain de jeu, mais vis-à-vis de ceux qui n'y ont pas accès il faut éviter de faire n'importe quoi. Regardez le duo BHL- Houellebecq : alors que tous les médias parlent d'eux, leur attitude de mal-aimés est intolérable. Ca mérite des claques.

N. O.
- Houellebecq apparaît dans une de vos chansons. On vous sent moins d'affinités avec lui qu'avec Sempé ou Modiano...
V. Delerm. - Oh, je n'ai rien contre lui. Simplement, je crois vraiment qu'à Noël «les lecteurs de Houellebecq font rarement un sapin». Comme je crois que ceux qui ont des disques de Brigitte Fontaine en ont peu de Joe Dassin.

Grégoire Leménager
Le Nouvel Observateur