Vincent et les salles de spectacles

Posted by chris | Posted in , , , , | Posted on mardi, novembre 15, 2011


Le parcours commence à l'Européen, où Vincent Delerm se fit connaître, pour s'achever aux Bouffes du Nord, où il présente prochainement son nouveau spectacle, Memory. Entre ces deux salles, une poignée d'adresses comme autant de lieux fétiches des amateurs de concerts parisiens. Leur tracé épouse les contours de la ligne 2 du métro, d'est en ouest. Elevé à Rouen, Vincent Delerm a entendu parler de ces salles avant de pouvoir y assister à des spectacles, et, a fortiori, bien avant de s'y produire.

« J'avais vu des images télévisées d'Alain Chamfort et Steve Nieve à l'époque où ils jouaient à deux aux Bouffes du Nord. Le dernier train partait de la gare Saint-Lazare à 22h40, ce qui rendait impossible la fréquentation de concerts avant mon installation à Paris » explique-t-il.
« Je fantasmais littéralement sur la capitale. »
Avant de devenir auteur-compositeur-interprète, Vincent Delerm a étudié scrupuleusement la chanson française.
« J'aurais pu devenir journaliste, s'amuse-t-il. J'ai passé un temps fou à écouter les albums en public, afin de comprendre le rapport au public des chanteurs qui m'intéressaient. »

Une fois sur scène lui-même, Vincent Delerm a marqué le public par son aisance et sa faculté à installer un climat, notamment dans le dénuement du piano-voix. En évoquant ces lieux, Delerm revisite ainsi les dix premières années de sa carrière.
« Très tôt, je me suis dit « on verra dans dix ans », à force d'entendre des gens prédire que je disparaîtrais de la circulation au bout de deux ans. »

La Cigale, salle fétiche et lieu de mémoire

Dans le Panthéon personnel de Vincent Delerm, cette salle occupe une place tout à fait particulière. « Mon arrière-grand-mère y était ouvreuse à l'époque où c'était encore une salle de cinéma. Mon grand-père y a passé son enfance. Venir m'y voir chanter avait donc une résonance particulière pour lui. À une époque, le cirque Medrano était installé sur le trottoir d'en face. Les lions dormaient à l'extérieur, ce qui effrayait les passants ! » Parmi toutes les salles du quartier, celle-ci a sa préférence. « C'est la meilleure scène de Paris. Quand on y joue, on a le sentiment d'être proche du public : ça paraît tout petit alors qu'il y a tout de même 800 places. » Vincent y joue pour la première fois en septembre 2002, puis y revient régulièrement. « En 2004, j'y ai passé trois semaines, toujours en piano-voix. Je me remémore un concert que j'avais donné en étant quasi aphone. J'avais pris tant de cortisone que j'avais été complètement fermé toute la soirée. Certains spectateurs avaient envoyé leur billet pour se faire rembourser. » Vincent Delerm retrouvera la Cigale à la faveur des lancements de ses troisième et quatrième albums, pour deux semaines à chaque fois. Il s'y produira sans aucun doute à nouveau dans les années qui viennent. « C'est un endroit habité, qui correspond à mon goût pour le télescopage des époques. »


L'Élysée-Montmartre et le Trianon, en toute amitié

Ces deux salles quasi mitoyennes ont elles aussi été visitées par le chanteur. L'Élysée-Montmartre est désormais fermé, suite à l'incendie dont il fut victime l'an passé. Vincent Delerm eut l'occasion d'en fouler les planches, notamment lors d'un concert caritatif donné avec la complicité de la chanteuse Keren Ann. « Nous avions repris la chanson Tout doucement de Bibie, une mélodie qui va très bien à la voix de Keren Ann. Avec elle, j'avais aussi chanté Le Lundi au soleil de Claude François sur un plateau de télévision. » Quant au Trianon, qui constituait au siècle dernier un ensemble avec l'Élysée-Montmartre, c'est en compagnie de Mathieu Boogaerts que Vincent y a joué. « C'était à l'occasion de la dernière d'une de ses tournées. Avec quelques amis, dont M ou Albin de la Simone, on lui avait réservé une surprise : le rejoindre sur scène pour interpréter Ondulé à ses côtés. Je m'y suis également produit dans le cadre de la Nuit des musiciens, une soirée à laquelle participaient Dominique A et Irène Jacob. »

L'Européen, des débuts enchantés

Cette salle de la place de Clichy a abrité les premiers concerts de Vincent Delerm, en avril 2002, date de sortie de son premier album. Tous les soirs pendant quatre semaines, il y partagea la scène avec Jeanne Cherhal. « Ce truc m'a transformé ! J'avais l'impression d'être passé dans une machine. Au début, personne ne me connaissait. En sortant, tout le monde avait un avis sur ce que je faisais », se souvient-il. « Jouer ici, c'était un peu un rêve. J'y avais vu un spectacle de Jean-Jacques Vannier intitulé L'Envol du pingouin, ainsi qu'un concert de Julien Clerc. » Seul au piano, Delerm impose alors sa personnalité et son humour. « Avant les dates, je me disais “Pourvu qu'il n'y ait pas un autre mec seul au piano avec une chemise noire qui se produise à Paris !”» La trouvaille de Delerm fut l'utilisation d'une voix off préenregistrée diffusant des messages comme « Merci beaucoup d'être ici » ou « C'est un endroit qui représente beaucoup pour moi », manière de désamorcer le rituel du music-hall. Ces concerts parisiens furent suivis d'une série de prestations dans le reste de la France, qui confirmèrent l'émergence d'une personnalité avec laquelle il faudrait désormais compter.

Les Bouffes du Nord, l'écrin idéal

Son spectacle, entre concert et théâtre, a été créé dans cette salle atypique, qui marque une nouvelle étape dans le parcours de Vincent Delerm. Pour autant, Memory ne marque pas sa première incursion aux Bouffes du Nord. Après y avoir donné plusieurs concerts, il fut invité l'an passé à y animer la présentation de la saison. « Macha Makeïeff, qui y assistait, m'a contacté par la suite pour envisager un projet. » Avec elle, il envisage d'effectuer son retour sur scène sans passer par le traditionnel circuit « album-promotion-tournée » et ce, pour la première fois de sa carrière. « Je n'avais, cette fois, pas envie de refaire un disque. Mes nouvelles chansons ont été conçues dans le cadre de cette création. » Entre théâtre, cinéma et concert, Memory évoque notre difficulté à vivre le présent. « Il était cohérent de présenter cela dans cette salle », explique-t-il. « J'ai assisté à des concerts très forts de Têtes Raides ici, ainsi qu'à une belle mise en scène de La Mouette, de Tchekhov, avec Irène Jacob. C'est un endroit étonnant, où la scène est de plain-pied. On y éprouve une sensation très différente des théâtres à l'italienne traditionnels. » La première fois que Vincent Delerm y a donné des concerts, c'était avec des musiciens. « On avait fait une semaine avec Cyril Vanberghe, un quatuor à cordes et un contrebassiste. C'était comme un test, après des années passées seul sur scène. » Et si le théâtre des Bouffes du Nord était, pour Vincent Delerm, l'écrin idéal où expérimenter de nouvelles formes artistiques ?

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